Élections au Québec : les caquistes chassent les libéraux du pouvoir

 

Historique ! La Coalition Avenir Québec et son chef de file François Legault ont remporté les élections générales québécoises. Cette victoire met fin au bipartisme incarné jusque-là par le Parti Libéral et le Parti Québécois.

Le 1er octobre 2018, les électeurs du Québec, seule province francophone du Canada, étaient appelés aux urnes pour renouveler leur parlement provincial. À la surprise générale (les sondages s’étant trompés de cinq points), le parti de François Legault, la Coalition Avenir Québec (CAQ), a remporté la majorité absolue des sièges, après une campagne basée sur la défense de la culture Québécoise, de la langue française et sur le refus de la société multiculturelle. Au Québec, le parti souverainiste et identitaire est maintenant au pouvoir : son chef, François Legault, ancien homme d’affaires ayant été député du Parti Québécois et ministre de l’éducation, puis de la santé, a été nommé Premier ministre du Québec le 18 octobre 2018

Le Québec, « une province prospère », vraiment ?

La province de Québec semble pourtant connaître une situation enviable sur le plan économique. Le territoire est considéré comme bien inséré dans la mondialisation, avec des industries à forte capacité d’exportation, un taux de chômage proche de 5% et une demande de main d’œuvre en hausse constante. Cependant, les apparences sont trompeuses : on observe de fortes disparités entre des espaces urbains très mondialisés, où la population multiculturelle et jeune domine, et des espaces périphériques vieillissants, exclus des échanges mondiaux, dont la population refuse les problèmes issus de la société multiculturelle. En particulier, le déclassement social et l’impression d’être « étranger chez soi ». Ce dernier sentiment s’explique par la politique immigrationniste mise en place par le Parti Libéral depuis 2015, politique consistant à accueillir chaque année cinquante mille immigrés sans conditions linguistiques ou culturelles, si bien qu’entre 2015 et 2017 le pourcentage d’immigrés parlant le français est passé de 56% à 42% (chiffres de l’Institut du Québec). Du côté du Parti Libéral, emmené par le premier ministre Philippe Couillard, l’optimisme était de mise jusqu’au scrutin. Ainsi, Antoine, témoin français parti faire campagne pour les libéraux, jugeait positivement le bilan de l’exécutif avant le scrutin : « le chômage est au plus bas, les comptes budgétaires sont équilibrés, le Québec est une province prospère ».

Parti politique récent, la CAQ est donc déjà au pouvoir

Moins de sept ans après sa création, la Coalition Avenir Québec accède donc aux responsabilités. Créée en 2011 par François Legault sous la forme d’un mouvement visant à influencer les politiques des deux partis habituels de gouvernement, le Parti Québécois et le Parti Libéral, la CAQ se transforme vite en parti aspirant à faire triompher ses idées par les urnes. Ses premiers députés sont des ralliés venus des rangs de l’ancienne Alliance Démocratique du Québec et du Parti Québécois. Le parti caquiste est souverainiste et identitaire mais pas indépendantiste, luttant pour plus d’autonomie et un dialogue renforcé avec le pouvoir canadien. Cela le distingue du Parti Québécois. Ni indépendantiste, ni fédéraliste, contrairement au Parti Libéral, la CAQ défend une troisième voie qui plaît aux Québécois.

Le Québec à l’heure du « populisme » ?

Dès l’annonce des résultats, nombre de médias européens se sont empressés de brandir la « victoire du populisme » pour décrédibiliser le vote des Québécois. Legault refuse le terme de « populiste », bien que cette élection semble s’inscrire dans le moment populiste qualifié de « lèpre » par le président Macron – expression qui a pu être perçue comme méprisante. La CAQ doit son succès aux votes périphériques, aux territoires qui refusent la « religion multiculturelle » (dénomination proposée par le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté) et à la menace culturelle, économique et sécuritaire que la mondialisation sans frein fait peser sur les québécois. Ainsi, même dans un espace sans doute privilégié comme le Québec, un « populisme de prospérité », le terme est dû au politologue Jean-Yves Camus, émerge. Ce populisme se caractérise par le refus de devoir partager le fruit national du travail avec des populations qui ne participent que peu à l’effort productif, et par la défense de l’identité. La promesse de réduire de 20% l’immigration et de contrôler l’intégration de ces nouveaux arrivants, couplée à la défense de la culture québécoise et du français, a séduit les Québécois. Ces derniers ont donc décidé de ne pas disparaitre. Alors, la CAQ, « lèpre populiste » ? Ou un Québec lançant « le cri des peuples qui ne veulent pas mourir » (Philippe de Villiers) et demeurer libres ?

H. G,
étudiant de l’ISSEP