En France, l’administration pénitentiaire a une triple mission : assurer la garde des détenus, maintenir des conditions de détention acceptables et permettre leur réinsertion ou leur insertion. Comment faire quand une pandémie arrive et que l’administration dépendante du ministère de la Justice n’a pas été préparée ? Quand le gouvernement est submergé par les problèmes hospitaliers ? Durant le premier confinement (du 17 mars au 11 mai 2020), l’administration pénitentiaire a été oubliée par l’Etat. Des fonctionnaires qui sont en contact constant avec la violence, dans des conditions sanitaires douteuses pour les détenus ou pour eux-mêmes, ont dû travailler en première ligne, dans l’indifférence de l’exécutif.
Le président de la République avait promis des masques pour l’ensemble des Français ? Les agents pénitentiaires sont venus travailler avec leurs propres masques, fournis par les régions ou achetés en grande surface. Puis l’administration leur a donné des masques fabriqués par les détenus, hors normes ou « périmés » et rangés dans des boîtes « neuves ». Selon un agent, le premier lot de masques mis à disposition était « aussi épais qu’une couche de bébé, impossible de respirer dedans et les élastiques ne [tenaient] même pas ». Quant à ceux fournis cet automne, « ils sont aussi épais qu’une feuille de papier et tellement grands qu’ils ne peuvent pas être portés correctement ».
Pire : lors de l’accueil des nouveaux incarcérés, aucune combinaison de protection conforme, sinon une combinaison sans trous pour les bras, ressemblant à un sac poubelle, et des lunettes de protection à nettoyer avec des lingettes. De plus, nombre de détenus libérés par Nicole Belloubet au printemps sont de retour dans les prisons, pour certains positifs au Covid-19, à l’ origine de foyers de contamination dans des prisons. Ce fut le cas à Bourg-en-Bresse, Seysses ou Mayotte.
Les agents ont le sentiment d’être méprisés. La prime versée par l’Etat a été décomptée en fonction de leur présence. Si un agent était en congés annuels, imposés dans l’administration pénitentiaire, en arrêt maladie pour cause de Covid ou absent, les jours ont été décomptés et la prime fortement diminuée, passant de 1 100 euros à rien dans certains cas. Une situation dénoncée par les syndicats professionnels.
Le 29 octobre 2020, le président de la République a annoncé un nouveau confinement. Rien n’a été anticipé dans les prisons. Le télétravail est imposé aux personnels administratifs, sans mise à disposition d’outils numériques. Les parloirs sont maintenus avec l’installation d’hygiaphones, le port du masque est obligatoire pour les détenus, fournis par l’administration pénitentiaire, deux par jour, des masques chirurgicaux qui doivent être jetés même s’ils ne sont pas utilisés. Le reste des activités (sport, école, culte) est supprimé.
Que dire ? Dans les prisons, comme partout, l’exécutif fait une fois de plus la preuve d’une incompétence inusitée. Avec l’expérience du premier confinement, comment expliquer autrement que rien n’ait été anticipé dans les prisons ?
Adèle Bernabé,
étudiante en Bac+4 à l’ISSEP
publiée dans Présent